jeudi 11 décembre 2008

La maison dans les blés, Jean-Christophe POL

Un homme est si seul au beau milieu de son quotidien.

Un artiste peintre quitte sa famille, quitte la noria des expositions et la solitude de son atelier pour se retrouver dans une maison isolée, achetée sur internet. Dans cette campagne si vivante, il fera connaissance de la troublante Lucie. Elle le ramènera à la source de sa inspiration.

Une BD d'une grande sensualité, une très belle histoire mise en valeur par la narration et le trait noir et blanc de Jean-Christophe POL. Un hymne à la redécouverte de nos désirs et de nos créativités.

mardi 9 décembre 2008

Merci monsieur Laënnec


J'aime écouter la musique des corps. 

Lors de mes premiers contacts avec le vaste monde de la maladie, le contact auditif avec les malades était surtout objet de curiosité, rarement de dégoût (sauf si l'odeur y était associée), et surtout de beaucoup de questionnements sur mes capacités auditives : mais pourquoi donc n'entends-je rien alors que tout le monde autour de ce lit acquiesce gravement quand le professeur dit qu'il y a un magnifique souffle systolique de 3/6, associé à un mémorable frottement péricardique et en plus des crépitants des bases pulmonaires ?

Et puis en plus, j'étais fâché avec mon stéthoscope. Roulé dans la poche de ma blouse, je ne pouvais l'en extraire sans faire tomber tout le contenu de celle-ci. Les embouts dépassant avaient une satanée tendance à s'accrocher à tous les coins de portes, et à s'arracher. Et mettre un stétho dans une oreille sans se rendre compte qu'il n'y a plus l'embout en caoutchouc, ça fait très mal ! Malgré toutes ces misères, je me rendais bien compte qu'il y avait quelque chose d'important dans cet objet. Mon stéthoscope... Le tout premier instrument médical que j'aie acheté. Malgré les prix obtenus par la corpo, il me semblait bien cher pour ma tirelire de jeune P2. Avec ce tuyau au tour du col de ma (toute neuve elle aussi) blouse blanche encore amidonnée, je faisais vraiment docteur maintenant. Ce n'est pas pour rien que les valises de déguisement de docteur en comportent toujours un ! 

Après m'être bien regardé dans le miroir du couloir, en blouse avec mon stétho autour du cou, ou plié dans la poche droite, ou  bien roulé dans la poche gauche... pour choisir la place qu'il garderait durant mes années d'externe, il  bien fallu aller à l'hôpital. Et là... rien. Le grand silence. Première constatation : mettre les embouts à l'endroit (vers l'avant, et non vers l'arrière), c'est mieux... 
Au deuxième essai : une vague de glouglou crrTOUMpshh khkhkhscrat ssshhhhTAglorblglorbl a submergé mes oreilles vierges. Il faut être honnête, malgré les efforts désespérés de l'interne ou du chef de clinique qui nous recevait une ou deux fois par semaine, il a vraiment fallu plusieurs mois pour que je puisse séparer les bruits les uns des autres, leur donner une image mentale, les localiser dans la carcasse plus ou moins résonnante qui leur donnait vie.

Et puis un jour, alors que, comme tout le monde je faisais très sérieusement mmh mmh, l'air inspiré, en passant mon écouteur (après mes dix camarades du jour) sur le même thorax: ...... TOUM...fffffff...TA..... TOUM.....fffff....TA.       

Glps. ça recommence : TOUM...fff...TA...



Hé les copains !

HE, Y'A UN TRUC, là, un bidule... j'ai entendu "fff". C'est un souffle, non ? Et pis le monsieur, il a le cœur qui bat !!!! Trop génial !!! Et pis quand il respire on entend l'air dans ses tuyaux !!! Et même dans son ventre !!!!

Depuis ce jour, j'adore écouter la musique des corps !

PS : anecdote du jour, un p'tit bonhomme de 4 ans me demande "pourquoi t'as 2 testoscopes ?" moi: "ben passeque j'ai 2 oreilles" lui: "t'as raison, comme ça t'entends 2 fois plus mieux".....  

הרב משה בן מיימון (Moshe ben Maïmon, dit Maïmonide)

Homme de foi, théologien, philosophe et médecin, Maïmonide est une des grande figure de la pensée juive. Originaire de Cordoue, dans l'Espagne musulmane du début du XIIème siècle. Sa pensée médicale, incluant l'homme dans la création divine, influence de manière durable les pratiques médicales orientales mais aussi occidentales.

Bien que l'on n'ait pas retrouvé le manuscrit médiéval original, on lui attribue un texte qui est une véritable profession de foi d'un médecin dévoué à l'être humain. Les thèmes développés restent encore bien d'actualité, et il me semble tout à fait complémentaire du serment d'Hippocrate que nous imprimons sur nos thèses.

"Mon Dieu, remplis mon âme d'amour pour l'Art [médical] et pour toutes les créatures. N'admets pas que la soif du gain et la recherche de la gloire m'influencent dans l'exercice de mon Art, car les ennemis de la vérité et de l'amour des hommes pourraient facilement m'abuser et m'éloigner du noble devoir de faire du bien à tes enfants. Soutiens la force de mon cœur pour qu'il soit toujours prêt à servir le pauvre et le riche, l'ami et l'ennemi, le bon et le mauvais.

Fais que je ne voie que l'homme dans celui qui souffre. Fais que mon esprit reste clair auprès du lit du malade et qu'il ne soit distrait par aucune chose étrangère afin qu'il ait présent tout ce que l'expérience et la science lui ont enseigné, car grandes et sublimes sont les recherches scientifiques qui ont pour but de conserver la santé et la vie de toutes les créatures.

Fais que mes malades aient confiance en moi et mon Art pour qu'ils suivent mes conseils et mes prescriptions. Eloigne de leur lit les charlatans, l'armée des parents aux mille conseils, et les gardes[-malades] qui savent toujours tout: car c'est une engeance dangereuse qui, par vanité, fait échouer les meilleures intentions de l'Art et conduit souvent les créatures à la mort. Si les ignorants me blâment et me raillent, fais que l'amour de mon Art, comme une cuirasse, me rende invulnérable, pour que je puisse persévérer dans le vrai, sans égard au prestige, au renom et à l'âge de mes ennemis. Prête-moi, mon Dieu, l'indulgence et la patience auprès des malades entêtés et grossiers.

Fais que je sois modéré en tout, mais insatiable dans mon amour de la science. Eloigne de moi l'idée que je peux tout. Donne-moi la force, la volonté et l'occasion d'élargie de plus en plus mes connaissances. Je peux aujourd'hui découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas hier, car l'Art est grand mais l'esprit de l'homme pénètre toujours plus avant."


Trad. SOULIER, Du serment d'Hippocrate à l'éthique médicale, thèse de médecine, Marseille, 1985

jeudi 9 octobre 2008

Petites anecdotes hospitalières en vrac


"Si tu veux contacter la biologiste de garde, appelle dans la chambre de l'interne de CMF, elle est plus souvent là-bas qu'au labo"

A l'hôpital de S... , aux urgences gynéco, la sonde d'échographie endovaginale vibre légèrement quand on allume l'appareil (ils l'ont peut-être changée, depuis...).

Au staff de gynéco, le chef de service tape sur les PH, qui allument les chefs de clinique, qui tancent les internes de spé, qui se posent des questions sur les comportements des sages-femmes, qui critiquent les élèves sages-femmes, et tout ce monde secoue l'interne en MG et explose l'externe, qui n'a plus qu'à se jeter par la fenêtre. (Et c'est comme ça tous les matins à 8h).

Il y a des croissants le dimanche matin dans la salle de régulation du SAMU.

Seuls certains professeurs agrégés peuvent porter le col de leur blouse relevé.

La nuit, le pédiatre de garde aux urgences pédiatriques, c'est un interne de médecine générale.

Il y a plus d'examens demandés en urgence la veille de la visite du chef de service.

La secrétaire est un des pivots du fonctionnement hospitalier. Sans elle pas de dossier. Même si tu as pu avoir une consultation hyper-urgente dans l'heure avec un des plus grands pontes du CHU, il te faudra patienter qu'elle tape le courrier pour savoir ce qu'avait ton patient. Il y en a même une qui changeait les notes de stage des externes quand elle trouvait que les profs notaient trop large. (si, si, authentique !).

Il faut garder sa blouse (même souillée) pour aller manger à l'internat, sinon, la nourriture risquerait d'être saine, et en plus, après le repas, tes soins risqueraient d'être propres.

Let's sing the blues together



En faisant mon placard, j'ai retrouvé une des blouses que je portais à l'hôpital il n'y a pas si longtemps que ça. Taille XXL, poches immenses dignes des meilleurs tours de close-up de David Copperfield. J'essaie de me souvenir de tout ce que je rangeais dans ce bureau portatif : je vous présente donc la star de ce soir, ma blouse ! (applaudissements pour la version "stage en médecine interne", s'il vous plait).

Poche droite :

Stéthoscope qui s'accroche partout
Marteau pour réflexes (surtout le réflexe de retrouver la partie ronde qui n'arrête pas de se dévisser et qui tombe en rebondissant dans les couloirs)
1 ou 2 paires de gants
1 tube de vaseline
1 paire de ciseaux
1 rouleau de sparadrap
1 pince à clamper (mieux que les dents pour décoincer les bouchons des perfs !)

Poche gauche :

Agenda de 200 pages fermé par un élastique: aide-mémoire, deuxième cerveau, pour tout savoir de toute la médecine qu'il faut savoir dans une chambre d'hôpital, seul à 3h du matin devant un papy qui décompense et qui devient tout bleu alors qu'il n'y avait même pas de la soupe aux schtroumpfs au menu du soir...  (de la poso du spasfon au bilan de l'anémie, de la prise en charge de l'embolie aux normes des labos)
Annuaire abrégé de l'hôpital, avec les bips utiles en cas de grosse panique (urgences, anesthésiste, portables du chef de clinique...) même si on sait qu'ils ne se déplacent jamais (!).
Réglettes diverses : à ECG, EVA, surface corporelle, Cockroft, IMC, semaines d'aménorrhées...
Quelques compresses

Poche poitrine gauche :

Stylos (à ne pas prêter, sinon adieu...)
Crayon
Mètre-ruban
Epingle à nourrice
Abaisses-langues
Fil nylon pour les pieds diabétiques
Carnet de pages blanches pour prendre des notes, n° de tél, avis du spé...
Badge (pochette plastique à rendre à la fin du stage, attention !)
et le bip les soirs de garde

Sur le chariot de visite, mais le plus souvent dans les mains :

Un dictionnaire des médicaments (Dorosz, of course)
Un guide de thérapeutique
Ouf !

J'ai peut-être oublié deux trois bricoles... En tout cas je suis sûr d'avoir oublié de peser combien cela pouvait faire !

mercredi 1 octobre 2008

Evel an Ankoù heoliet

 Ce qu'il y a de bien dans nos régions méditerranéennes, en début d'année scolaire, c'est que l'on rencontre plein de gens qui déménagent pour mettre leurs problèmes au soleil. On ne sait jamais, peut-être qu'avec une mine bien bronzée, tout changera... Malgré le succès de films comme "Bienvenue chez les Ch'tis", il persiste bien une attirance compulsive vers un certain nombre de clichés météorologiques. Le ciel bleu, la végétation vert sombre, la mer azur, plate et sans marée, les cigales (qui, il faut le rappeler, ne chantent que deux mois par an) et le pastis existent bel et bien, mais peuvent n'être qu'un miroir aux alouettes.

C'est comme cela que j'ai fait la connaissance de l'histoire bretonne de l'Ankou, le collecteur des âmes des défunts dans sa charrette grinçante, mais d'une manière un peu particulière.

Elle a toujours vécu en région parisienne et vient juste de prendre sa retraite. Elle n'a pas de famille la retenant là-bas et vit en couple avec un breton depuis plusieurs années. Ils ont donc décidé de tout planter pour venir vivre des vacances perpétuelles sous le soleil. Ce n'est pas facile tous les jours, il a un caractère bien trempé. Il est veuf depuis quelques années, mais dans sa maison, son ancienne femme est toujours présente. Ses robes sont toujours dans la penderie, son sac de plage est encore prêt à partir, son bol et son chocolat (la même boîte qui n'a plus été ouverte depuis...) sont prêts pour le petit déjeuner et on ne refait pas la peinture car ce sont ces couleurs-là qu'elle avait choisies. Du coup, il est un peu difficile de refaire une place en tant que femme dans ce lieu (!). Réfléchissant avec mes pauvres cases méditerranéennes, évoquant une souffrance liée à un deuil pathologique, je pose naïvement la question de toutes ces persistances d'objets de la défunte. "Mais c'est à cause de l'Ankou, on ne sait jamais quand il va passer, alors on laisse tout en l'état".... Qu'es aquò qu'aqueste bestiòla ...? me dis-je donc méridionalement... J'ai donc appris plein de choses sur les légendes de la lande bretonne et de ce faucheur d'âmes. J'imagine donc maintenant toutes les maisons bretonnes remplies des affaires des défunts, que l'on ne touche plus de peur de faire rater le coche à l'âme en attente. 

Mais les vivants restants, ils les rangent où, leurs affaires ???

Merci au dictionnaire Freelang pour la traduction du titre.

الشباكية ( chebakia )

C'est la fin du Ramadan, et j'ai eu comme cadeau une assiette de ces gâteaux 100% huile-miel-amandes....
Mmmmh, ça me rappelle toute mon adolescence de l'autre côté de la Méditerranée. J'adore ce job !

jeudi 18 septembre 2008

La naissance de l'être


Durant l'antiquité Hippocrate soutenait que l'embryon se formait grâce à l'apport des semences conjointes de l'homme et de la femme. Plus tard, Aristote modifie cette vision des choses et marque les conceptions médicales, mais aussi ses implications juridiques et théologiques. Ses ouvrages, connus partiellement, ne sont transmis aux savants de l'occident médiéval qu'après le XIIème siècle, au moment où certains centres intellectuels (Salerne, Tolède) traduisent les ouvrages médicaux arabes, détenteurs de la tradition scientifique grecque.

On considère alors que l'état de santé est un état d'équilibre entre les quatre humeurs (sang, bile, bile noire, lymphe), soumise à quatre états de la matière (chaud, froid, humide, sec). Cela permet d'expliquer les désordres internes de l'organisme, soumis aux conditions de l'environnement. On explique aussi les mécanismes physiologiques grâce à ces notions.

Ainsi, au Moyen-Âge, on considère que l'embryon est formé par la semence masculine, chaude et sèche, qui apporte l'énergie vitale au sang menstruel maternel, froid et humide, qui apporte la matière organique nécessaire à la formation du corps de l'embryon. Celui-ci est acquiert rapidement (46 jours pour les garçons, le double pour les filles) sa forme humaine définitive. Il ne fera ensuite que grandir, jusqu'à la fin de la grossesse (entre 7 et 10 mois suivant la lune, l'état humoral...). Une fois que la formation organique est achevée, l'âme est insufflée à l'enfant par Dieu, qui le reconnaît. Il est désormais un être humain à part entière, corps et esprit.

Les conséquences sont importantes, puisque jusqu'à l'acquisition de l'âme, le fœtus est considéré comme un être uniquement de chair, mais non d'esprit. Une fausse couche, un avortement n'ont pas de conséquence légale. Par contre, après ce délai, les mêmes évènements sont considérés comme un décès ou un homicide. Un enfant mort-né ne peut être baptisé, et sera enterré en dehors de la terre consacrée du cimetière. 

Aujourd'hui encore, l'embryon in utero, contrairement à l'embryon in vitro, n'a pas de personnalité juridique. Comme dans le droit romain antique et médiéval, il peut être considéré comme un "espoir d'enfant": si le fœtus meurt, l'espoir disparaît. Même si l'on ne débat plus entre médecins, philosophes ou théologiens du moment de l'acquisition de l'âme humaine, les délais légaux pour un avortement sont très variables d'un pays à l'autre. Au Canada, un projet de loi récent définit l'embryon comme une personne juridique, donc potentiellement indemnisable en cas de dommage, même avant sa naissance.

Image : L'infusion de l'âme, enluminure d'un manuscrit de Hildegarde von Bingen, le "Scivias", ou livre des visions, XIIème s.

mercredi 10 septembre 2008

Omnipotens medicus est.


Dites, docteur....

- je viens d'arriver dans cette ville, vous savez si je vais avoir des allergies ?
- ça fait un an que je ne fais plus de sport et que je mange, des sandwiches,  une fois par jour. Vous n'auriez pas un truc pour que je perde du poids ?
- vous n'auriez pas un médicament ou un truc pour arrêter d'être homosexuel ?
- vous connaissez les horaires de la pharmacie ?
- vous avez le numéro de téléphone du podologue ?
- le spécialiste, vous savez s'il a des rendez-vous la semaine prochaine ?
- vous savez si ma mutuelle rembourse les patches de nicotine ?
- vous savez si je peux prendre du cialis sans que ma femme le sache ?
- vous pouvez appeler mon frère pour lui dire que je suis déprimée, ça fait 45 messages que je lui laisse depuis ce matin et il veut pas me répondre...
- vous savez si je peux manger les épinards sauvages qui poussent devant votre salle d'attente ?
- c'est une connerie, ce que je suis en train de faire ?
- j'ai fait ce régime, vous savez bien, celui des sportifs !
- le médicament rond, là, rose, dans la boîte bleue et blanche, vous voyez pas ?
- vous pouvez voir sur ma carte vitale si mes vaccins sont à jour ?
- il fera beau demain ?
... et l'inimitable "connaissez-vous la physiologie de la patate ?"

Quel beau métier !!!

lundi 1 septembre 2008

الأتاي بالنعناع ( at taï bil n'anā )

  J'aime bien les visites à domicile.

Oui, c'est vrai, c'est moins d'actualité, et elles ne sont normalement prises en charge par la sécu qu'exceptionnellement. En plus, techniquement parlant, je suis mieux installé au cabinet : la table d'examen est à la bonne hauteur, j'ai une balance pour voir si le petit bébé n'a pas trop séché pendant sa gastro, les tiroirs sont pleins de matériel, j'ai mes bouquins, internet, les courbes de croissance, la roulette à pizza (heu, non, à grossesse, pardon...)...

Bref, c'est confortable, il y a de la musique dans la salle d'attente, la déco est chaleureuse, et en plus j'ai sous les yeux une superbe toile de ma chérie, spécialement faite pour le cabinet. Qui mieux que moi, comme dirait ma grand-mère ?

Ben oui, c'est vrai, mais se déplacer pour aller chez les gens, c'est chouette aussi. C'est pas toujours très rigolo, parce que souvent, quand ils appellent c'est qu'ils sont malades. Alors j'assume la visite chez l'alcoolique qui veut pas se soigner mais dont la compagne ne veux plus, le certificat de décès du grand-père d'une amie, l'ulcère de jambe de la femme qui suspend ses compresses dans son salon, pour les réutiliser, pour "faire faire des économies à la sécu" (je vous assure que c'est vrai !!!), ou bien pire, parfois...

Il y a quand même des moments de grâce. Parce qu'après avoir vécu ensemble des moments éprouvants, on arrive enfin à se poser sur un coin de canapé. Parce que la grosse angoisse passée (ouf c'est pas un infarctus / cancer / occlusion / appendicite / méningite...), j'aime bien m'asseoir au bord du lit, avec mon carton à ordonnances et autres formulaires. On parle de la vie quotidienne, entourés de toutes ces petites choses accumulées durant quelques instants (pour l'étudiant qui s'installe seul pour la première fois) ou des années (pour le couple qui a 50 ans de vie commune dans les mêmes murs).

J'ai eu un faible pour un remplacement fait dans un quartier où la très grande majorité des habitants sont d'origine marocaine. Entrer dans une maison où la cocotte-minute siffle en prévision du repas familial (un bon marqueur de la solidité du lien familial d'ailleurs...), c'est faire un pas dans le quotidien simple et chaleureux, à peine perturbé par la maladie du petit dernier ou par la grand mère qui s'éteint doucement dans la chambre du fond. Et j'aime par dessus-tout prendre ce temps de plus (ou est-ce plutôt accepter ce temps-là), qui n'est pas du tout médical, où on s'assoit ensemble autour de la théière fumante. L'odeur de la menthe, l'amertume du thé, la douceur du sucre.

C'est un cadeau du ciel, dans une journée pas toujours facile.

Test de lecture







Une main qui soutient l'autre ?

Une main qui glisse et qui va chuter ?

Dis-moi ce que tu vois et je te dirais comment tu vas...

dimanche 24 août 2008

Le Samu s'amuse... le samu ça m'use ?


Régulation libérale : (traduction : un généraliste au samu pour éponger les appels qui ne nécessitent pas l'envoi d'une équipe de réanimation et limiter les appels au médecin de garde )

Petit florilège des motifs d'appel au centre 15 ce dimanche soir...

- j'ai fais l'amour pour la première fois il y a 1 semaine, j'ai pris 1 cp de pilule le lendemain (pas la pilule du lendemain), ça peux me rendre stérile ?
- j'ai pris plein de médicaments ce soir, du tercian je crois, mais je me souviens pas ce que c'était car j'ai aussi avalé les boîtes
- mon pere il voit des araignées ds la piscine
- vite je veux arreter de boire MAINTENANT, il faut venir me chercher pr m'amener à l'hopital
- j'ai accouché il y a 3 jours, j'ai les seins qui gonflent, c'est grave ?
- j'ai vu le médecin de garde ce matin pour une angine mais j'ai peur de prendre les médicaments qu'il m'a marqué. La boite est sur la table de la cuisine et je sais pas ce qu'il faut que j'en fasse.
- j'ai mal aux dents, ça peut être un infarctus ?
- je mange plus depuis le mois de mai, et ce soir, je crois que ça va me faire mourir...
- elle s'est trompé de médoc, elle a pris mon tranxène, et maintenant elle dort...
- mon fils vomit, je voudrais une ambulance
- mon gamin de 5 ans a avalé le ressort de la pince à linge, l'acidité de l'estomac, ça va le dissoudre ?
- j'ai mis à mon bébé un suppo de laxatif taille adulte
- j'ai une bague coincée au doigt, les pompiers veulent pas venir, vous pouvez m'envoyer un médecin ?
- j'ai beau chercher, je retrouve pas mon tampon
- je suis enceinte de 7 mois, je viens de faire 8h de voiture (oui, on vient tous les ans dans le même camping) et je contracte, c'est pas grave, hein ?
- j'ai une carie depuis 6 mois sur une dent de sagesse
- j'ai le hoquet
- j'ai une liste de médicaments, vous pouvez me faxer une ordonnance ?
- il a voulu se jeter par la fenêtre, alors on l'a attaché sur son matelas, on fait quoi maintenant ?
- mon voisin cause avec Dieu, ça m'inquiète...
- j'ai voulu pourrir le repas de famille de ce soir, alors j'ai pas pris mon traitement antiepileptique, et maintenant, le repas est fini, j'ai fait une crise en rentrant chez moi. Je peux pas conduire, je voudrais une ambulance pour rentrer chez moi.

vendredi 22 août 2008

Samarcande, de Amin Maalouf




C'est l'histoire d'un manuscrit, recueil secret de poèmes interdits. C'est l'histoire d'un homme, Omar Khayyam, poète persan du XIème s., médecin, lettré, astronome, qui après une gloire immense abandonne les vanités des connaissances pour se laisser aller au vin et à la poésie. C'est l'histoire de son ami, Hassan Saba, fondateur de la secte des assassins.

Et c'est toute l'histoire de la construction de la Perse moderne, de l'Iran, qui défile devant nos yeux, dans le style imagé mais limpide d'Amin Maalouf.

Une grande histoire, un grand moment de bonheur.


"Ne te souviens pas d'hier,
Ne pleure pas pour demain,
Ne crois ni au passé, ni au futur,
Vis aujourd'hui et ne perds pas le souffle de ta vie."

Omar Khayyam


lundi 18 août 2008

"Un externe pour un ecg..."


C'est comme ça que l'on est accueilli en général durant le premier stage aux urgences. Le temps de trouver le réduit obscur du sous-sol (mais il est où ce code de porte ???) où sont empilées toutes les tenues du personnel, par ordre alphabétique pour les médecins, par fonction pour les infirmiers/ères ou les aides-soignant(e)s, et par tas pour les externes (j'ai bien dis tas, pas taille...). C'est donc en train de se battre avec les piles de linges qu'on peut entendre pour la première fois la douce voix de l'interphone sussurer métalliquement cette phrase qui durant 4 mois va finir par nous réveiller la nuit : "Un externe pour un ECG...".

Il faut dire qu'avec déjà deux ou trois ans d'expérience, un externe est un technicien ès-ecg hors pair. Tous les détails de l'anatomie de cet appareil sont connues, les angoisses du manque de papier, du stylet qui n'écrit pas (c'est pas le papier qui est à l'envers ?), de la batterie qui ne marche pas ("qui a oublié de rebrancher la machine hier !!!!"), du gel qui ne coule pas, et puis (splash !) qui dégouline d'un coup, de ces p... d'électrodes à deux balles qu'il faut décoller avec les ongles que je n'ai pas, alors qu'aux urgences, quelle chance, il paraît qu'ils en ont des prégélifiées.... Sympa d'ailleurs, ces petites pastilles rondes en papier accrochées à un fil electrique. Certaines fois, elles ne conduisent pas bien le signal électrique (pas assez de gel ?). D'autres fois elles ne collent pas suffisamment (trop de gel ?), sauf au moment de les décoller (aïeuh, mes poils !!!). Mais elles peuvent servir à beaucoup de choses, la preuve, un patient m'a demander de les lui mettre de côté pour faire une guirlande de Noël avec les fils récupérés !!! (authentique, vrai de vrai !).

Bref, à l'instar du technicien de carglass qui passe souvent à la radio, un externe est un pro de l'électro, n'hésitez pas à faire appel à lui en cas de besoin. Le souci, justement, c'est qu'à force d'enregistrer des petites lignes sur du papier, j'ai eu tendance à me transformer en enregistreur plus qu'en être cérébré. Parce que ce qui compte, au final, c'est l'interprétation, qui a tendance à passer au second plan derrière toutes les contraintes techniques.

Avec toutes ces heures passées derrière cet appareil en tant qu'externe, je me suis dit que ce serait dommage de ne pas m'équiper une fois installé. Et ce n'est que la semaine dernière que j'ai compris à quoi ressemblait le mystérieux S1Q3 que je n'avais jamais rencontré (ou jamais voulu voir). Le monsieur a eu une embolie pulmonaire, il est à l'hôpital et va très bien, et moi je suis bien content d'avoir acheté cette machine et d'avoir perdu autant de temps à coller des électrodes.

jeudi 14 août 2008

z'oreilles



J'aime bien avoir deux stéthoscopes pour amuser le petits nienfants. 
C'est vrai, quoi, si on n'a même pas le droit de jouer au docteur quand on va chez le docteur, c'est pas drôle ! C'est impressionnant de voir comme ils sont formatés, ces petits, pour ne rien toucher (bon, au départ, hein, parce que après quelques minutes et quelques sourires, l'ambiance est déjà bien plus agitée !!).

Donc j'aime bien leur mettre dans les doigts tout ce qu'ils n'ont pas le droit de toucher d'habitude : le stétho, le mètre-ruban, l'otoscope, le bâton-terrible-qui-fait-vomir (comme ça ils sont sûr que je ne l'utilise pas), le marteau à réflexes... Dans ce contexte, la pédiatrie devient plus un jeu qu'une contrainte! Il faut les voir, souvent méfiants au départ, puis intéressés, puis prenant leur nouveau rôle très au sérieux. Maîtres des objets, ils deviennent à leur tour maîtres de la situation. 

Le risque du début de la consultation, c'est que ces petits ne soient qu'un objet de discussion entre adultes. Détenteurs des objets, ils prennent un rôle très sérieux d'acteur de leur examen clinique, de leur corps et de leur santé... et en plus on rigole bien !!

Et le vaccin qui suit fait alors beaucoup moins mal !


mercredi 13 août 2008

La maladie de la girafe (pas très rigolo)




C'est un de ces cours magistraux improvisés devant un box, aux urgences.

Il est tard, les yeux piquent, on ne sent plus vraiment son estomac et on se dit que l'on a dû déjà sauter deux ou trois repas. Et puis un peu ras le bol de toujours rater "le" cas de la garde parce qu'il a fallu faire un énième ECG, pour le petit monsieur qui s'est cassé le bras et qui va être opéré bien plus tard. Il n'a aucun risque ou antécédent cardio, il va être opéré sous anesthésie loco-régionale, mais comme il a plus de 45 ans, l'Anesthésiste (avec grand A) Veut (avec grand V) un ECG...

Et c'est là qu'on croise un chirurgien tout heureux de rencontrer un externe à qui montrer sa nouvelle carte pokémon (enfin, c'est pas une vraie carte, mais je retrouve aujourd'hui dans les yeux de mes enfants la même illumination lorsqu'ils trouvent une carte super rare, brillante avec vachement de points de vie, d'un pokémon méga-fortiche).

"Dis-moi, petit, tu as déjà vu une girafe ? C'est un animal que l'on oublie jamais une fois rencontré. Et bien cette dame, dans ce box (même pas de mon côté du service, d'ailleurs), elle a la maladie de la girafe, regarde bien, sens bien, et tu t'en souviendras toujours !" Effectivement, l'odeur âcre et tenace est tellement forte qu'elle en devient presque visible.

Cette maladie de la girafe, c'était chez cette dame une cellulite infectieuse du périnée, une gangrène de Fournier. J'ai tenu professionnellement le plateau stérile du maître pendant qu'il explorait son futur champ opératoire, en se demandant par où il allait passer pour débuter l'amputation périnéale de la dame. Mais je n'ai pas été un bon élève, j'ai eu du mal à tout regarder jusqu'au bout.

La dame est restée silencieuse. Moi aussi. Encore aujourd'hui, je ne sais pas ce que j'aurais pu dire.

mardi 12 août 2008

Oscar et la dame rose, de Eric-Emmanuel Schmitt



Oscar a dix ans. Oscar est malade, il va mourir et trouve que c'est un peu tôt.
Mamie-Rose est une ancienne catcheuse, elle croit dur comme fer qu'en écrivant à Dieu, Oscar pourra vivre dix ans par jour. Alors il s'attaque à la feuille blanche pour faire part à Dieu des évènements de sa vie accélérée.
La lecture de cette correspondance m'a arraché les tripes. C'est beau, c'est fort. On pleure de douleur et de joie de voir la fatigue en même temps que la sérénité prendre place dans le corps et le cœur de ce petit homme. Il vit ses dix ans, puis ses vingt ans, ses trente ans, ses quarante ans...
Je ne vous donnerai pas son âge actuel, car c'est un roman fait pour laisser un sentiment éternel.

La physiologie de la patate


Certaines questions paraissent sans réponses. Toute fraîche de ce matin : "Dites-moi docteur, est-ce que vous savez comment fonctionne la respiration d'une pomme de terre ? Parce que je voudrais stocker un grand sac de patates dans mon garage et j'ai peur que les gaz d'échappement de la voiture ne rentrent dedans et ne nous empoisonnent..."

Ben non, en fait, j'ai dû sauter le cours de physiologie des tubercules, va falloir que je ressorte mes livres des cartons...

Persistance rétinienne (définitions)













Persistance, [subst. fém.]
Caractère de ce qui reste (dans quelque chose) durablement.
Synon. continuité, durée pérennité

Rétinien, -ienne, [adj]
Qui se rapporte à la rétine, membrane neuro-sensorielle de l'œil, qui reçoit les signaux lumineux, en commence le codage et les transmet au cerveau par l'intermédiaire du nerf optique.

Médecin [subst. masc.]
Réceptacle de souffrances diverses et variées, physiques ou morales. Donneur alternativement de leçons, de conseils, de temps, d'énergie, de bons sentiments, de vie ou parfois aussi de mort, mais en général sans faire exprès.


Réf. Trésor de la langue française, 2008