jeudi 18 septembre 2008

La naissance de l'être


Durant l'antiquité Hippocrate soutenait que l'embryon se formait grâce à l'apport des semences conjointes de l'homme et de la femme. Plus tard, Aristote modifie cette vision des choses et marque les conceptions médicales, mais aussi ses implications juridiques et théologiques. Ses ouvrages, connus partiellement, ne sont transmis aux savants de l'occident médiéval qu'après le XIIème siècle, au moment où certains centres intellectuels (Salerne, Tolède) traduisent les ouvrages médicaux arabes, détenteurs de la tradition scientifique grecque.

On considère alors que l'état de santé est un état d'équilibre entre les quatre humeurs (sang, bile, bile noire, lymphe), soumise à quatre états de la matière (chaud, froid, humide, sec). Cela permet d'expliquer les désordres internes de l'organisme, soumis aux conditions de l'environnement. On explique aussi les mécanismes physiologiques grâce à ces notions.

Ainsi, au Moyen-Âge, on considère que l'embryon est formé par la semence masculine, chaude et sèche, qui apporte l'énergie vitale au sang menstruel maternel, froid et humide, qui apporte la matière organique nécessaire à la formation du corps de l'embryon. Celui-ci est acquiert rapidement (46 jours pour les garçons, le double pour les filles) sa forme humaine définitive. Il ne fera ensuite que grandir, jusqu'à la fin de la grossesse (entre 7 et 10 mois suivant la lune, l'état humoral...). Une fois que la formation organique est achevée, l'âme est insufflée à l'enfant par Dieu, qui le reconnaît. Il est désormais un être humain à part entière, corps et esprit.

Les conséquences sont importantes, puisque jusqu'à l'acquisition de l'âme, le fœtus est considéré comme un être uniquement de chair, mais non d'esprit. Une fausse couche, un avortement n'ont pas de conséquence légale. Par contre, après ce délai, les mêmes évènements sont considérés comme un décès ou un homicide. Un enfant mort-né ne peut être baptisé, et sera enterré en dehors de la terre consacrée du cimetière. 

Aujourd'hui encore, l'embryon in utero, contrairement à l'embryon in vitro, n'a pas de personnalité juridique. Comme dans le droit romain antique et médiéval, il peut être considéré comme un "espoir d'enfant": si le fœtus meurt, l'espoir disparaît. Même si l'on ne débat plus entre médecins, philosophes ou théologiens du moment de l'acquisition de l'âme humaine, les délais légaux pour un avortement sont très variables d'un pays à l'autre. Au Canada, un projet de loi récent définit l'embryon comme une personne juridique, donc potentiellement indemnisable en cas de dommage, même avant sa naissance.

Image : L'infusion de l'âme, enluminure d'un manuscrit de Hildegarde von Bingen, le "Scivias", ou livre des visions, XIIème s.

mercredi 10 septembre 2008

Omnipotens medicus est.


Dites, docteur....

- je viens d'arriver dans cette ville, vous savez si je vais avoir des allergies ?
- ça fait un an que je ne fais plus de sport et que je mange, des sandwiches,  une fois par jour. Vous n'auriez pas un truc pour que je perde du poids ?
- vous n'auriez pas un médicament ou un truc pour arrêter d'être homosexuel ?
- vous connaissez les horaires de la pharmacie ?
- vous avez le numéro de téléphone du podologue ?
- le spécialiste, vous savez s'il a des rendez-vous la semaine prochaine ?
- vous savez si ma mutuelle rembourse les patches de nicotine ?
- vous savez si je peux prendre du cialis sans que ma femme le sache ?
- vous pouvez appeler mon frère pour lui dire que je suis déprimée, ça fait 45 messages que je lui laisse depuis ce matin et il veut pas me répondre...
- vous savez si je peux manger les épinards sauvages qui poussent devant votre salle d'attente ?
- c'est une connerie, ce que je suis en train de faire ?
- j'ai fait ce régime, vous savez bien, celui des sportifs !
- le médicament rond, là, rose, dans la boîte bleue et blanche, vous voyez pas ?
- vous pouvez voir sur ma carte vitale si mes vaccins sont à jour ?
- il fera beau demain ?
... et l'inimitable "connaissez-vous la physiologie de la patate ?"

Quel beau métier !!!

lundi 1 septembre 2008

الأتاي بالنعناع ( at taï bil n'anā )

  J'aime bien les visites à domicile.

Oui, c'est vrai, c'est moins d'actualité, et elles ne sont normalement prises en charge par la sécu qu'exceptionnellement. En plus, techniquement parlant, je suis mieux installé au cabinet : la table d'examen est à la bonne hauteur, j'ai une balance pour voir si le petit bébé n'a pas trop séché pendant sa gastro, les tiroirs sont pleins de matériel, j'ai mes bouquins, internet, les courbes de croissance, la roulette à pizza (heu, non, à grossesse, pardon...)...

Bref, c'est confortable, il y a de la musique dans la salle d'attente, la déco est chaleureuse, et en plus j'ai sous les yeux une superbe toile de ma chérie, spécialement faite pour le cabinet. Qui mieux que moi, comme dirait ma grand-mère ?

Ben oui, c'est vrai, mais se déplacer pour aller chez les gens, c'est chouette aussi. C'est pas toujours très rigolo, parce que souvent, quand ils appellent c'est qu'ils sont malades. Alors j'assume la visite chez l'alcoolique qui veut pas se soigner mais dont la compagne ne veux plus, le certificat de décès du grand-père d'une amie, l'ulcère de jambe de la femme qui suspend ses compresses dans son salon, pour les réutiliser, pour "faire faire des économies à la sécu" (je vous assure que c'est vrai !!!), ou bien pire, parfois...

Il y a quand même des moments de grâce. Parce qu'après avoir vécu ensemble des moments éprouvants, on arrive enfin à se poser sur un coin de canapé. Parce que la grosse angoisse passée (ouf c'est pas un infarctus / cancer / occlusion / appendicite / méningite...), j'aime bien m'asseoir au bord du lit, avec mon carton à ordonnances et autres formulaires. On parle de la vie quotidienne, entourés de toutes ces petites choses accumulées durant quelques instants (pour l'étudiant qui s'installe seul pour la première fois) ou des années (pour le couple qui a 50 ans de vie commune dans les mêmes murs).

J'ai eu un faible pour un remplacement fait dans un quartier où la très grande majorité des habitants sont d'origine marocaine. Entrer dans une maison où la cocotte-minute siffle en prévision du repas familial (un bon marqueur de la solidité du lien familial d'ailleurs...), c'est faire un pas dans le quotidien simple et chaleureux, à peine perturbé par la maladie du petit dernier ou par la grand mère qui s'éteint doucement dans la chambre du fond. Et j'aime par dessus-tout prendre ce temps de plus (ou est-ce plutôt accepter ce temps-là), qui n'est pas du tout médical, où on s'assoit ensemble autour de la théière fumante. L'odeur de la menthe, l'amertume du thé, la douceur du sucre.

C'est un cadeau du ciel, dans une journée pas toujours facile.

Test de lecture







Une main qui soutient l'autre ?

Une main qui glisse et qui va chuter ?

Dis-moi ce que tu vois et je te dirais comment tu vas...