mardi 9 décembre 2008

Merci monsieur Laënnec


J'aime écouter la musique des corps. 

Lors de mes premiers contacts avec le vaste monde de la maladie, le contact auditif avec les malades était surtout objet de curiosité, rarement de dégoût (sauf si l'odeur y était associée), et surtout de beaucoup de questionnements sur mes capacités auditives : mais pourquoi donc n'entends-je rien alors que tout le monde autour de ce lit acquiesce gravement quand le professeur dit qu'il y a un magnifique souffle systolique de 3/6, associé à un mémorable frottement péricardique et en plus des crépitants des bases pulmonaires ?

Et puis en plus, j'étais fâché avec mon stéthoscope. Roulé dans la poche de ma blouse, je ne pouvais l'en extraire sans faire tomber tout le contenu de celle-ci. Les embouts dépassant avaient une satanée tendance à s'accrocher à tous les coins de portes, et à s'arracher. Et mettre un stétho dans une oreille sans se rendre compte qu'il n'y a plus l'embout en caoutchouc, ça fait très mal ! Malgré toutes ces misères, je me rendais bien compte qu'il y avait quelque chose d'important dans cet objet. Mon stéthoscope... Le tout premier instrument médical que j'aie acheté. Malgré les prix obtenus par la corpo, il me semblait bien cher pour ma tirelire de jeune P2. Avec ce tuyau au tour du col de ma (toute neuve elle aussi) blouse blanche encore amidonnée, je faisais vraiment docteur maintenant. Ce n'est pas pour rien que les valises de déguisement de docteur en comportent toujours un ! 

Après m'être bien regardé dans le miroir du couloir, en blouse avec mon stétho autour du cou, ou plié dans la poche droite, ou  bien roulé dans la poche gauche... pour choisir la place qu'il garderait durant mes années d'externe, il  bien fallu aller à l'hôpital. Et là... rien. Le grand silence. Première constatation : mettre les embouts à l'endroit (vers l'avant, et non vers l'arrière), c'est mieux... 
Au deuxième essai : une vague de glouglou crrTOUMpshh khkhkhscrat ssshhhhTAglorblglorbl a submergé mes oreilles vierges. Il faut être honnête, malgré les efforts désespérés de l'interne ou du chef de clinique qui nous recevait une ou deux fois par semaine, il a vraiment fallu plusieurs mois pour que je puisse séparer les bruits les uns des autres, leur donner une image mentale, les localiser dans la carcasse plus ou moins résonnante qui leur donnait vie.

Et puis un jour, alors que, comme tout le monde je faisais très sérieusement mmh mmh, l'air inspiré, en passant mon écouteur (après mes dix camarades du jour) sur le même thorax: ...... TOUM...fffffff...TA..... TOUM.....fffff....TA.       

Glps. ça recommence : TOUM...fff...TA...



Hé les copains !

HE, Y'A UN TRUC, là, un bidule... j'ai entendu "fff". C'est un souffle, non ? Et pis le monsieur, il a le cœur qui bat !!!! Trop génial !!! Et pis quand il respire on entend l'air dans ses tuyaux !!! Et même dans son ventre !!!!

Depuis ce jour, j'adore écouter la musique des corps !

PS : anecdote du jour, un p'tit bonhomme de 4 ans me demande "pourquoi t'as 2 testoscopes ?" moi: "ben passeque j'ai 2 oreilles" lui: "t'as raison, comme ça t'entends 2 fois plus mieux".....  

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